Joies et regrets au Salon International de Tanger…

Le 20e salon International de Tanger des livres et des arts a ouvert ses portes hier. Joie d’une pérennité qualitative et regrets de l’oubli. Ce beau salon est bien là avec son riche programme mais il est dommage d’oublier des grands contributeurs contemporains de Tanger…

Hier dans la cohue d’une ouverture mal maitrisée au niveau timing et organisation le 20e salon à ouvert ses portes sur le Thème :

Tanger Ville Symbole. Du fantasme au réel.

Tout un programme…

Dommage que la cérémonie inaugurale avec un son inaudible et un manque crucial de lumière ne nous ait pas permis de percevoir la richesse du programme et des discours de lancement mais heureusement je n’ai pas tout de suite perçu les oublis…

Beau programme incontestablement pour cette 20e édition avec Ben Jelloun, l’enfant fassi du pays en guest-star ; le talentueux Yasmina Khadra ; Oum, la reine du désert ; Jalil Bennanni, psychanalyste qui nous aidera à décoder les inquiétudes et les espoirs de la jeunesse ; Noureddine Sail, spécialiste du cinéma mondial et marocain ; le théâtre Darna avec Eric Valentin et Hicham Zouinti sur Jean Genet, Ali Benmakhlouf, philosophe et narrateur de génie capable de vous dire, de mémoire, « Trois contes » de Flaubert…

Une belle participation également des éditeurs, des écrivains, des libraires de Tanger: les insolites, Les Colonnes, La Virgule… qui plaident à longueur d’année et au quotidien pour la lecture et les livres.

Pour ne rien oublier, programme complet des festivités du 20e salon sur : http://www.if-maroc.org/tanger/spip.php?rubrique179

Tahar Ben Jelloun a merveilleusement lancé les débats lors de sa conférence qui s’est tenue dans une salle, plus que comble, interviewé par la brillante Mélanie Frerichs-Cigli. Ben Jelloun nous fait découvrir Tanger à travers sa venue en train lorsqu’il était enfant dans les années 50. Il arrive dans cette gare historique de Tanger qui a survécu à la construction du nouveau port et située en face des immeubles Reichhausen. Avec étonnement et émerveillement le jeune Tahar découvre Tanger la multiple et bigarrée, les automobiles noires au pied de la gare, les prémices de la financiarisation dans la rue des changeurs qui gagnent de l’argent avec l’argent…

D’une belle faconde, il retrace superbement la réalité fantasmée de ce Tanger du bout de l’Afrique longtemps oublié d’un alaouite de Rabat mais pas du reste du monde puisque à ce moment là, Tanger est internationale jusqu’au bout du jour et de la nuit…

Des propos lucides et justes aussi sur cette Tanger qui émerge et devient le phare du Maroc moderne et économique. Grande porte ouverte et fermée à la fois de l’Afrique et de l’Europe. Je pense que, le touche à tout, Bowles s’est un peu retourné dans sa tombe de Lakemont en entendant Ben Jelloun parler de sa trajectoire littéraire et de ses relations marocaines…

Enfin, il exprime une vision pertinente et courageuse de la situation du Maroc en terme d’évolution économique, d’éducation défaillante, d’une lecture quasi inexistante au profit des DVD à 10dh, d’hypocrisie sociale, de relation muselée au sexe et à la prostitution, de la corruption…  Un Ben Jelloun bien dans son œuvre et bien dans son temps. Merci Monsieur.

Jusque que là j’étais heureux mais une ombre est passée devant moi, non pas quand j’ai vu Alexandre Pajon qui a honoré de sa présence ce salon anniversaire qu’il a beaucoup contribué à enrichir et à développer mais surtout quand j’ai pris conscience des oublis dans la programmation.

Je sais bien qu’on ne peut pas inviter, ni plaire à tout le monde mais quand même…

Lotfi Akalay, Philippe Guiguet Bologne, Rachid Taferssiti, Rachel Muyal

Regrets d’avoir omis de convier des éléments fondateurs de ce monde littéraire tangérois contemporain comme Guiguet-Bologne, brillant écrivain et poète qui a également oeuvré à l’existence de ce salon. Heureusement que ses éditeurs cipM et Al Manar sont là pour le représenter.

Regrets aussi d’avoir oublié Lotfi Akalay alors qu’il contribue depuis des lustres à dépeindre avec une lucidité caustique et truculente les travers de la société marocaine et tangéroise soutenue par son éditeur, Frogeraie éditions.

Dommage d’avoir relégué Rachid Taferssiti, le grand pourfendeur de la défense du patrimoine Tangérois, auteur de livres majeurs sur Tanger et Rachel Muyal, la pythie littéraire de Tanger et muse des Colonnes pendant 25 ans dans une table ronde en fin de parcours, le dimanche matin à 11h…

J’oubliais…

Bravo à toute l’équipe de l’institut Français d’avoir organisé ce 20e salon internationale de Tanger des livres et des arts. Et bienvenue à son nouveau directeur.

Je vous quitte pour filer à la conférence de 10h  Tanger Ville Frontière « A quoi servent les frontières aujourd’hui ? » qui je l’espère commencera à l’heure car 10h, c’est tôt à Tanger (lol).

Paul Brichet

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