L’art métamorphique d’Evelyne Postic

« le présent invisible », exposition de la lyonnaise Evelyne Postic dans deux galeries à Tanger: Conil et Artingis du 7 juin au 6 juillet.

Logés dans une bulle ou à l’intérieur d’une membrane imperceptible, les dessins d’Evelyne Postic sont comme des projections fantasmagoriques de notre inconscient collectif.
Tatouages ou impressions de motifs réalisés le plus souvent à l’encre noire, excroissances instinctives de l’écriture, ils s’apparentent aux griffonnages que tout un chacun réalise machinalement sur le papier. En cela, ils ne nous sont pas étrangers.
L’étonnement ne nait pas des formes elles-mêmes que nous sommes enclins à identifier (silhouette humaine, coeur, fleur, poumons, coquillage, serpent), mais de la manière inattendue dont elles sont associées.

Partant du connu, Evelyne Postic nous projette dans l’inconnu et l’invisible.
Cet invisible, ce peut être celui que l’on ne voit pas habituellement sans l’aide d’un scanner ou d’un microscope.

Evelyne Postic nous donne à voir nos organes et nos cellules en grand, mais elle le fait sans pratiquer la dissection ou la coupe longitudinale. La vision de nous-mêmes qu’elle propose n’est pas « atomique » mais « métabolique », « hyperbolique »,« métamorphique ».
Ce qui importe, ce sont les relations, les liens, les circulations, les transformations, les créations. Aussi met-elle en relation l’infiniment petit avec l’infiniment grand.
De la cellule au corps humain, du végétal à l’animal, tout est représenté ensemble, assemblé, relié, juxtaposé dans un même milieu plus ou moins protégé. Et pourtant le spectacle du vivant a des aspects inquiétants.
Incomprise, la machinerie du vivant peut devenir absurde, irréaliste, suspecte. Alors la bulle du microscope qui enferme toute la création se glace d’effroi ! Mais quand le dessin d’Evelyne Postic devient totem, que le grand sage parvient à se hisser au dessus du grand métabolisme pour dialoguer enfin avec l’autre invisible, le mystère de la vie, sans se dissiper, s’apprivoise en toute sérénité.
Tels les magnifiques dessins colorés « La nudité de l’eau » et « Le fleuve noir ».
Catherine Conil

Postic, créatrice d’univers


On croit voir deux sacs pulmonaires. Et cette outre molle : un cœur attendant de se remettre à battre ? Un foie gagné par une putréfaction insidieuse qui le corrompt cellule par cellule ? Des nœuds de viscères se contorsionnent, comme s’ils refusaient la dissolution, l’anéantissement. La mort en marche, alors, dans son travail opiniâtre ? Peut-être. Mais on sait aussi que de la mort renait la vie, que, de la pourriture organique des efflorescences peuvent jaillir, proliférer en massifs floraux arborescents, toutes tiges dressées vers le ciel, toutes feuilles à l’écoute du vent, toutes graines prêtent à éclore, pour continuer le cycle. Car à bien y regarder… Cet opercule ogivale, là, en bas d’une masse organique prête à frémir, n’est-ce pas un sexe de femme en attente d’ensemencement ? Et ce crâne ironiquement couronné, ne nous ricane-t-il pas «  mort, où est ta victoire » puisque le corps écorché qu’il surmonte bouillonne déjà de sucs en effervescence ? Là encore, dans les contorsions de ce mandala sauvage, deux bébés, une fille, un garçon se cachent, encore mal dégrossis, non libérés, mais qu’on devine prêt à déchirer la membrane placentaire pour se lancer à l’assaut d’un monde renaissant. Quand à cette créature crocodilienne qui pourrait tout aussi bien être une buche abandonnée aux éléments, un rocher rugueux craché par un volcan, que porte-elle drapé sur ses reins ? Une nuée d’étoiles ! – portes ouvertes sur l’infini du cosmos. Ainsi chez Postic, est-il vain de vouloir sérier, classifier, étiqueter : l’humain, l’animal, le végétal, le minéral sont tout un, le microcosme rejoint le macrosmos, l’inanimé fermente pour recracher du vivant. Dans ces tracés sibyllins aux courbes qui se mordent, ces fines nervures gravées par le stylet d’un généticien fou, ce crépi maniaque tavelant toute chose, tout être, et qu’on croit volontiers issu des coups de pioche d’un paysan sur une terre fertile d’où tout va croître, un monde naît. Mieux : un univers. C’est cette architecture en Génèse permanente qui caractérise le travail opiniâtre de Postic, créatrice d’univers.
Jean-Pierre Andrevon

Galerie Conil
7, rue du Palmier
Petit Socco – Tanger
Tel: 06 55 64 10 14 / 06 51 23 98 28
Galerie Artingis
11 rue Khalid Ibn Oualid (ex. rue Velázquez)
Tanger – Maroc
Tel: +212 (0) 5 39 33 04 25

A propos d’Evelyne Postic

Evelyne Postic (née Mazaloubaud ) en 1951 à Lyon à l’hôtel Dieu, France. Autodidacte.
Sa première passion, la danse, rêve effacé par une grave maladie des poumons à 5 ans, et séparation de ses parents en même temps, placements dans diverses maisons d’enfants, d’où à partir de cette époque, elle souffrira d’un sentiment d’abandon.
Vie étouffante entre ses grands-parents et sa mère, les premiers moments d’évasions sont le papier et les crayons de couleur, sur la table de la cuisine, par la fenêtre, elle peut voir chaque jour, la teinturerie d’en face, qui laisse échapper dans le caniveau ses eaux colorées.
Ennuie à l’école… les beaux arts ? Sa mère s’y oppose.
A 18 ans, elle s’enfuie avec l’homme qui sera son premier mari, dont elle aura trois enfants.
Après douze ans de vie commune, le couple se sépare.
Evelyne Postic s’installe à Grenoble, avec ses trois enfants, où pour échapper à un quotidien trop pesant, elle s’invente un monde parallèle, et commence à peindre et à dessiner des formes où se mêlent l’humain, le végétal, l’animal.
Elle travaille sur l’adaptation de l’être vivant à son environnement, l’évolution des espèces pour survivre.
Survivre, c’est ce qu’elle fait chaque jour avec ses trois enfants à charge.
La variété infinie des formes des mondes marins, terrestres, et invisibles la fascine.
Comme une rivière trop longtemps contenu, elle va créer le soir sans relâche, la journée elle travaille à de petits boulots pour assurer le quotidien.
La biologie et les sciences la passionnent.
Ce sera un long chemin, partagé entre sa recherche d’artiste et l’éducation de ses enfants.
La couleur va être très importante dans son travail.
1989 -Au début les formes sont plutôt graphiques, à partir de 1995, elles deviendrons plus courbes.
Sa recherche se fait sur des supports variés, toiles, polystyrène (bas-reliefs), papier, les personnages sont toujours de profil, les mains et pieds, très présents, les lèvres lippues,
Les yeux immenses, clin d’œil à l’Afrique qui fait partie de ses rêves.
La sculpture fait aussi partie de son œuvre, papier mâché et coloré, bois noirs sculptés, série en polystyrène, les dernières sculptures en papier, colle, fer à béton, et coquillages.
1990 – Luis Marcel, de la galerie « Les quatre coins » à Rouannes France, l’expose au salon d’art contemporain de Toulouse, (collection du musée de l’Art en marche, à Lapalisse, France).
1994– Rencontre avec Cérès Franco, qui l’exposera à l’œil de Bœuf, rue Qincampoix à Paris,
Puis celle-ci entrera dans sa collection à l’Agrasse, France.
1996 – Gérard Sendrey musée de la création Franche, l’invitera « aux Jardiniers de la mémoire » elle est présente dans la collection du musée de la création Franche à Bègles, France.
1998 – découverte de NewYork, invitée pour une exposition collective par l’artiste Pill Demise Smith, avec Ody Saban, Carolle Bailly, Gérard Sendrey.
A son retour elle peint de grands calicots, sur le thème de l’immigration, où les buldings sont transformés en femmes. En 2000 – Deuxième mariage, nouveau divorce.
2006 – elle s’installe à Lyon, retour aux origines, près du Rhône, où elle est née.
2009 – la galerie Dettinger-Mayer, spécialisée dans le dessin contemporain et les arts primitifs expose ses nouveaux dessins, des encres, en noir et blanc, sur toile, où tout son univers peut se multiplier à loisir, mondes cachés, intérieurs mystérieux, où le subconscient, révèle ses peurs intimes, et les exorcises.
Au printemps 2010, découverte de la Belgique et des Pays-bas.
2010 – Participation à l’exposition, L’art partagé, à Rives France, organisé par le collectionneur JL Faravel.
2010 – La galerie Hamer à Amsterdam, art brut et outsider, l’expose au salon Outsider au Kunst center à Aalsmeer, près d’Amsterdam, avec des dessins sur calque.
2011– le musée de l’Art spontanée à Bruxelles lui fera une exposition personnelle de ses dessins sur toile en noir et blanc, en février 2011, prix Dirk Bos mention dessin.
2012 – Découverte de l’Afrique de l’Ouest au Togo et Benin, avec Alain Dettinger sa galerie de Lyon, voyage longtemps attendu et rêvé.
Au retour d’Afrique elle va travailler sur le thème du Vaudou.
Exposition personnelle à la galerie de la Halle Saint-Pierre à Paris temple de l’art brut et singulier.
La galerie Dettinger-Mayer à Lyon, lui fait une seconde exposition personnelle avec des dessins sur calques, en noir et blanc et couleur, la couleur revient, mais en douceur.
Cette exposition est plus organique , la mort et la vie s’y entrecroise.
2013 – La galerie Bourbon-Lally, expose ses dessins à l’Outsider Art Fair à NewYork en février 2013.
En mai 2013, exposition sur le dessin à Lausanne, musée d’art contemporain, Suisse.
Juin 2013, exposition personnelle avec la galerie Conil et Artingis, Tanger, Maroc.
Septembre 2013, exposition et signature du livre « Vaudou » avec les éditions « Le dernier cri » Marseille.

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