L’artiste belge Floris Boccanegra visualise les dangers de la migration.

L’artiste plasticien Belge Floris Boccanegra, débarque pour la première fois à Tanger le 19 mars à la pension « Bayt Alice » pour finaliser son travail entamé à Calais sur la dénonciation de la violence migratoire. Il réalisera une vingtaine de masques de migrants pour immortaliser leur existence et leur combat. Il les suivra dans leur périple, souvent apocalyptique, pour tracer leurs existences, leurs difficultés et ne pas les oublier.

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Floris Boccanegra, dans la Kasbah de Tanger.

En 2022, Floris dénoncera les violences de l’immigration autour du concept du « masque funéraire » qui avait pour ambition d’immortaliser une personne, en général importante. Le migrant ne l’est-il pas…!

Floris décide d’utiliser l’idée du masque pour exprimer la démarche d’espoir et parfois mortifère des migrants qui vont tenter au péril de leur vie des périples inhumains, dangereux et violents pour accéder à une pseudo félicité, celle de la « grande traversée » qui mène en Angleterre ou en Espagne.

Ce sont souvent les hommes qui partent pour aller chercher du travail afin de subvenir aux besoins de leurs familles restées au pays (Afrique subsaharienne). Mais on rencontre également des familles entières qui tentent la grande aventure avec de jeunes enfants pour fuir la misère ou l’oppression.

Etape 1 : Calais du 7 au 13 mars 2022.

La réalisation du premier lot de masques de migrants fabriqués à Calais représentaient un mélange de personnes. « J’ai rencontré certains d’entre eux dans une maison de réfugiés » (Maison Sésame https://maisonsesame.org/), un lieu pour les migrants en difficulté dans la région de Calais. Les autres masques ont été fabriqués chez Emmaüs à Dunkerque, un lieu de travail communautaire qui emploie des migrants. « J’ai aussi beaucoup apprécié l’aide de Sylvie Heem, une dame formidable très mobilisée pour la cause des migrants qui m’a également beaucoup soutenu dans cette aventure ».

Etape 2 : Tanger du 19 au 28 mars 2022.

Floris arrive à Tanger le 19 mars pour réaliser le second lot de masques. Il a préparé son séjour à Tanger via des contacts pris avec des gens d’« Amnesty International » et avec l’ONG italienne « Progetto Mondo ».
Sa quête est de partir à la rencontre de migrants, de faire leur connaissance et leur proposer de réaliser le masque de leur visage pour tracer leur existence au travers d’un projet artistique. « Je précise que j’ai donné 100 Dirhams à chaque participant pour son temps, ses efforts et ses déplacements. Ce qui n’était pas toujours sans risque… ».
Il loge à la pension « Bayt Alice » dans le bas de la médina. Il fait la connaissance d’un médecin, Zakaria, qui lui indique l’église catholique où il pourra rencontrer des migrants. Se lie avec Jonas, Gérant de « Shu-Mom Art », un camerounais qui le mettra en contact avec des migrants sur le point de partir où ayant déjà tenté plusieurs fois l’aventure sans succès (7 à 13 fois pour certains…), sachant qu’un passage peut coûter jusqu’à 1500 € !

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Floris devant sa pension « Bayt Alice » et avec Jonas dans la kasbah de Tanger

Au contact de ces personnes et avec leur assentiment, il réalise leur masque dont celui de la jeune Thérésa, 9 ans, qui en est à sa 7e tentative…

Il fait également le masque de Précieuse, 7 ans, qui vient du Congo et qui n’a pas encore tenté l’aventure…

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Masques de Précieuse et Thérésa

A son départ de Tanger, le lundi 28 mars, il aura réalisé une vingtaine de masques, qu’il associera à ceux de Calais. Une quarantaine de masques seront ainsi présentés sur un grand panneau et exposés pendant deux mois à Roulers, en Belgique. On pourra également retrouver cette oeuvre en mouvement sur le site de Floris: https://boccanegra.org/.

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L’ensemble des masques qui seront présentés à Roulers en Belgique

Le projet a essentiellement démarré le 1er mars (avec la fabrication des premiers masques) et se déroulera jusqu’en octobre 2022. L’ensemble sera présenté fin avril à Roulers et il sera immédiatement possible de voir ce qui s’est passé au cours des 2 derniers mois.

« Tous les deux mois, je contacterai les participants (Whatsapp) pour leur demander leur statut actuel. En fonction de leur réponse, la couleur de leur masque changera »…

Ainsi Floris nous tiendra informés de l’existence de ces êtres humains, de ces candidats à l’immigration pour nous faire partager leur destin et éprouver leur existence en traçant leur parcours, en recouvrant leur masque d’une couleur qui nous indiquera leur situation:

– le masque est gris, ils sont bloqués,

– le masque est noir, nous avons perdu le contact avec cette personne.

– le masque reste blanc, ils ont réussi.

Cette oeuvre exprime symboliquement la situation de leur parcours migratoire. Il y aura des gens qui réussissent, d’autres qui restent sur place et d’autres encore qui disparaissent ! C’est le destin tragique ou heureux de ces personnes, bringuebalées par les flots de la vie, qui sera rappelé par l’oeuvre de Floris Boccanegra.

Il serait formidable que cette oeuvre puisse aussi voyager sur les sites sensibles de Calais et de Tanger, lieux de réalisation des masques et théâtre de grands flux migratoires…

Souhaitons que tous les masques restent de couleur blanche…

Paul Brichet

 

A propos de Floris Boccanegra et de son parcours artistique.

tanger-experience - le web magazine de Tanger - Floris Boccanegra dénonce la violence migratoire à TangerFloris Boccanegra (c’est son nom d’artiste) est née en 1988 à Roulers une localité Belge Flamande située entre Courtrai et Bruges. Grands-parents et parents libraires à Roulers, Floris baigne depuis son enfance dans les livres avec un intérêt manifeste pour l’histoire et la photo.

Il fera des études d’anglais et d’histoire et un an au conservatoire « Jazz Studio » à Anvers avec une spécialité en guitare basse. Conscient qu’il ne serait jamais Django Reinhardt, il délaisse la musique pour la banque. Il exercera plusieurs emplois avant d’entrer chez Triodos en 2018 (première banque durable au monde), une banque éthique, comme assistant commercial. « Une belle coïncidence professionnelle, étant donné que les valeurs de cette banque correspondent aux miennes. C’est aussi une banque qui est en contact étroit avec le secteur culturel et qui finance souvent des projets liés à l’art et la culture ». Déclare Floris.

Comme il le dit très honnêtement la banque est mon « 9 to 5 » pour me laisser une grande liberté à consacrer à ma démarche d’expression artistique.

A 6 ans, il fut frappé par le massacre entre les Hutus et les Tutsis qui passait en boucle à la télé Belge en 1994. Ce terrible événement, concernant la Belgique qui avait un passé colonial avec cette partie de l’Afrique, l’a vraisemblablement marqué à vie.

Très jeune il s’intéresse à l’art, à la photo et surtout au photo-reportage ce qui va le conduire à développer une démarche artistique engagée, axée sur la représentation et l’image pour dénoncer la violence et le côté sombre de l’humanité par la voie de l’art et de la performance.

Divers travaux et réflexions vont nourrir sa démarche de dénonciation artistique de la violence.

« Machete season » en 2016. Travail sur la violence du génocide entre les Hutus et les Tutsis au travers d’un focus sur l’outil mortel de cette violence : la machette qui sert à travailler (canne à sucre, boucherie, bois, herbe…) mais qui va surtout servir à tuer et à un génocide.

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Oeuvres exposées en 2017 à Bruges dans la galerie Grégoire, spécialisée dans l’art tribal.

« Lex Humana » en 2017. Travail sur la dénonciation de la violence et la régulation de la nature sauvage. Cette démarche illustre à la fois la protection et le massacre des alligators de Floride par les humains.

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L’œuvre représente un alligator exécuté. Un alligator acheté en ligne par l’artiste en 10 minutes dans une ferme d’alligators américaine.

«  Out of business » et « Back to business » en 2017 et 2021. Travail sur l’exposition systématique de la population civile de Mossoul et ses marchands traqués jusque dans leurs échoppes lors de la guerre d’Irak. Leur rideau de fer témoigne des violences par l’impact des balles qui ont traversé les volets. Une partie de ces volets sera rapportée en Belgique et exposée à Roulers.

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Exposition des oeuvres à Roulers

«  The Epitaph » en 2019. Travail sur un témoignage réaliste et non fantasmé de la présence humaine sur la terre, déposé par drone au sommet de la pyramide de Khéphren en Egypte destiné aux visiteurs potentiels de galaxies lointaines qui viendraient, un jour, sur la terre bien après la disparition des humains… Un pied de nez aux messages sublimés des humains envoyés dans l’espace par les sondes « Voyagers » en 1977.

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Voir, la fantastique dépose du disque de Epitaph au sommet de la pyramide de Képhren par un drone piloté par Floris qui était situé sur une terrasse avec vue sur les pyramide et à une distance de 1,5 km, un exploit. Regarder la vidéo de l’événement ci-dessous:

Retrouvez l’intégralité du travail de Floris Boccanegra sur son site internet: https://boccanegra.org/

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