Prémisses, aux prémices de tout un monde…

Philippe Guiguet Bologne vient de publier un nouvel ouvrage poétique intitulé « Prémisses » qui explore « l’être là » dans une singularité toute en profondeur au rythme de la musique bruitiste de Sébastien Béranger. En vente exclusive à la librairie les insolites de Tanger, pour l’instant.


Philippe Guiguet Bologne, vous venez de publier Prémisses, quel est le sens de ce nouvel ouvrage poétique ?
L’écriture poétique se doit d’être un laboratoire où l’on réfléchit à la langue, où l’on crée notre langage tout en explorant ce qu’est notre monde. Avec Prémisses, j’ai voulu avant tout travailler sur notre perception de l’être-là…

Qu’entendez vous par être là ?
Que veut dire être-là, être ici ? Mon corps est sur une falaise de laquelle j’éprouve le plaisir et la joie de scruter l’horizon, mais aussi je ressens le froid, j’envisage la déliquescence qu’entraine l’humidité, je vis la solitude. Mes pensées, elles, sont sur une plage de Gaza, où des enfants sont assassinés pour rien ; elles se perdent sur les bords de la Mer noire où des colonnes de réfugiés pataugent dans la boue de l’exil, éternel et renouvelé par chaque génération, exil que vivent tous ses réfugiés qui vont d’une plage du sud de la Méditerranée aux rivages du nord, laissant derrière eux une trainée de cadavres, de destins inachevés, de rêves noyés. Mes pensées vont aussi vers l’amour, vers la sensualité, vers la douceur d’un corps à corps tout de pudeur et de désir, dans lequel germe déjà une trahison : peu importe quelle est cette trahison, qu’il s’agisse d’un mensonge ou du baiser de Judas, d’une parole donnée et reprise ou d’une escapade vers d’autres horizons : la perte s’immisce et creuse son chemin, la fin de l’amour est annoncée, et avec ce sentiment tout d’humanité disparait aussi l’espoir. Voilà, je suis sur une falaise, à Tanger très probablement, je regarde le détroit, et depuis cette situation, dans le même temps, que l’on soit dans les flamboyances de l’automne, dans les blessures de l’hiver, dans la verdeur du printemps ou sous les canicules estivales, je suis tout cela, toutes ces différences, toutes ces expériences, tous ces univers en même temps. Prémisses est le prolégonèmes de cette expérimentation, comme il est aux prémices de tout un monde à découvrir, à envisager, à vivre.

Dans quelle tonalité, quel rythme s’inscrit Prémisses ?
Pour le rythme de Prémisses, j’ai cherché à ne pas être mélodieux, à ne pas être séduisant, cette âpreté dont j’ai parlé souvent à propos de la lecture de ce poème. Les coups du combat de boxe. Le rythme est plus celui de l’appel à la prière (obsédant, rageur, celui de la mosquée Ben Seddiq, voisine de ma maison et qui me cause tant d’insomnies), quand d’ailleurs le poème s’ouvre et s’achève sur cet appel, mais aussi celui du martèlement d’un forage (je creuse dans ma recherche, nous sommes dans le puits, c’est un travail tout en verticalité) et le syncopé, éventuellement le flow du rap. On y trouve aussi, fondamentalement, une musicalité du Schönberg tardif, de Schnittke et certainement de la musique du compositeur bruitiste Sébastien Béranger…

Jusqu’à début mars 2016, en vente exclusivement à la Librairie les Insolites, rue Velasquez, Tanger. Tirage de 250 exemplaires, numérotés et signés par l’auteur.

TGW

EXTRAIT DE PREMISSES…

Nuit des temps

Partisan de ta chimérique guérilla
L’arme est vocable
Rendu à nos météores
Entends-tu le vol noir ?
Tu meurs de l’épuisement de ton monde
Laissé à ses indigos soleils irradiant
Un délaiement embu et ruisselant à suffoquer
Viles les pénombres lassent
Et sur ta langueur de peser un étourdissement opiacé

Laissons le soleil à l’océan
Se drape d’un ultime vieux sentiment
Offre donc ce que tu es de mieux
Tellurique je me joins

L’automne alors dispendieux de ses ors
Munificent de nos derniers sacrifices
Ouvre sa hanche d’éclats pourpres de grenade

Mordre dans la chair grenue d’une figue
Vertige de ce trait d’une venaison noire et sève
Etourdissantes chaleurs moites des arrière-saisons

Il nous ramène dociles à nos morts

Un vieux cheval de trait s’allonge dans l’écume

Enfin je te ferre d’un collier de ciguë

Notre seule vérité est donc le temps…

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