« Tacles » et le poème jaillit comme une fleur de sang !

Tacles est un livre de poésie de Philippe Guiguet Bologne paru en 2016 aux éditions Slaiki de Tanger. C’est le deuxième texte de la série « Haerem – poèmes quantiques ».

Tacles, nouveau livre de poésie de Philippe Guiguet Bologne
Le dessin de couverture de « Tacles », est de Omar Mahfoudi

Tacles est un poème qui peut constituer la suite de Prémisses. La période est trouble et favorable à tous les glissements. Philippe Guiguet Bologne fait ainsi délibérément le choix d’entretenir une confusion venimeuse entre le rêve d’un être aimé dans l’ombre d’une chambre et qui bientôt sera abandonné par lâcheté et un dormeur du Val feddayin trouvant un repos éternel sur les collines striées de sa Galilée natale, entre le geste de sacrifice d’Abraham, celui des musulmans le jour de l’Aïd El Kebir et la douceur ensoleillée des femmes sur les terrasses de la vieille ville de Tanger, entre une course folle dans les rues sombres et humides de la médina et l’éclat du jour sur la pierre de Jérusalem, ce grès rosé avec lequel l’éventuel narrateur construit sa demeure. D’un monde l’autre, se tresse un drame… au lecteur d’en retrouver le fil qu’il voudra bien suivre.

« Le dormeur du Val, pour Philippe Guiguet Bologne, est un jeune homme palestinien roulé dans le sommeil de l’amour enfui/toujours là. Dans les bras de la mort qui le menace comme le couteau d’Abraham menaçait le cou de son fils. La guerre, dans ce beau poème, épuise les ressources de l’amour : Qu’est-ce que grandir en cette friche de chaos ? interroge le poète. » Nicole de Pontcharra, août 2017.

TACLES / EL CORAZON MANDA Par Nicole de Pontcharra

Le poète pourrait faire sienne la devise d’une vieille famille grenadine qui ornait la pierre de la porte d’entrée de leur demeure :

«  El corazon manda »

Il aime et le proclame tout au long de ce poème certes dédié à l’être élu qui l’habite, et au-delà du frère d’élection, à des lieux symboliques où il s’inscrit aux côtés des palestiniens. Ne dit-il pas « Le sang arabe qui coule sur les pavés de Jérusalem…

dans mes veines, le même… » .

Jour glorieux, jour funeste où le poème jaillit comme une fleur de sang, dans l’aube de l’Aïd el Kebir, au bout du labyrinthe de sa nuit d’errance dans sa ville, Tanger, dont il connait chaque ombre et chaque lumière, les terrasses et les rires des femmes.

Il aime, il se souvient de l’aimé abandonné, prostré dans leur chagrin commun. Les métaphores le hantent : tant de « dormeurs du Val » comme le sien. « Ton sommeil serti de la beauté du matin quand le soleil saisit l’endoiement du jour … »

La grande figure d’Abraham, levant son couteau au-dessus de l’enfant, son enfant, s’inscrit tout au long du poème, tandis que se répète le martèlement du mot sonore, Dam, Dam, Dam (le sang), comme annoncé par les tambours de la guerre.

Il a fui devant l’impossible amour. Il écrit « mon dormeur saigne de son âme arabe »

A Tanger, sa ville refuge, il revit la totalité de la passion, les douceurs des cœurs épris, le déchirement de la séparation. Il fait son « chemin de calvaire » où toutes les images se répètent en tragiques refrains, Dam, Dam, Dam, dans « …la diabolique poursuite à chasser de vieux fantômes… »

Il a fui, il a abandonné, il ne cesse dans sa tête d’aller et venir, « l’âme en larmes »

Dans ce beau poème, irrigué par la force d’un verbe raffiné, construit dans l’esprit de l’errance, entre espoir et désespoir, passé et présent, histoire éternelle et histoire contemporaine, le lecteur partage une transe émotionnelle, ses ondes violentes et douces, à l’image d’un ressac inépuisable où l’amour s’affirme jusqu’à la fin. El corazon manda !

… « Mon aimé, je t’appose un silence de mort

Mais dis-moi encore. »

A Puygiron le 6 septembre 2017

Nicole de Pontcharra

Se procurer « Tacles » , à Tanger dans les librairies les Insolites, des Colonnes, la Virgule et le Cercle des arts. Pour le reste du Maroc, la France et l’étranger, nous vous recommandons de le commander auprès de l’un de ces quatre points de vente.

A propos de Philippe Guiguet Bologne

Philippe Guiguet Bologne se consacre entièrement à l’écriture et a publié, en poésie, Détroit (cipM, Marseille, 2014), Stèles océanes et Je n’étais pas là (Cheminement I – Fragments et débris) (Al Manar, Paris, 2015 et 2017), Jerusalem Hotel (Scribest, 2016) et aux éditions Slaïki à Tanger, Prémisses (2015), Tacles (2016), Treize (avec Ilias Selfati, 2016). Il a aussi écrit chez ce même éditeur deux récits-promenades sur Tanger, Socco (2014) et Achakkar (2016). 16, une chronique photographique, a été publiée chez Frogeraie éditions en 2017.

Philippe Guiguet Bologne par Genevieve Gleize
Philippe Guiguet Bologne par Genevieve Gleize

Né en 1968 dans les Alpes françaises, il crée à Tanger, où il émigre en 1993 après un doctorat inachevé en Sciences de l’art à Paris I, la revue D3 dont il est rédacteur en chef (1997-1999), la maison d’hôtes Dar Nour devenue une adresse de référence (1999-2011), dirige la librairie des Colonnes (1999-2001) et collabore régulièrement avec la presse marocaine et française.

Dans un autre registre, il a dirigé l’Institut français de Tripoli, en Libye, durant les années d’ouverture du pays (2001-2005), et il a dirigé le Centre culturel français de Ramallah après la seconde Intifada (2007-2011), saisissant l’occasion de créer de nombreux festivals (Jazz à Sabratha, Les nuits soufies, Les nuits de Ramadan, Les Journées de la Francophonie, Ciné-Chebab, Traveling, /S I N :/ video art and performance festival…) et des événements structurants comme Ramallah.doc (pitching commission pour le film documentaire en Palestine), un accord de coopération entre l’Ecole spéciale d’architecture de Paris et l’Université de Birzeit, la création d’une Direction nationale du patrimoine moderne pour la Libye…

Dans ses années d’étudiant, il a réalisé et animé une émission de critique cinématographique hebdomadaire sur Radio Pluriel (Lyon), à Paris il a été lecteur pour les Presses de la Cité, il a participé au séminaire de création contemporaine du Centre d’art Danae deux saisons successives. A Tanger, il rédige et publie le premier guide patrimonial et culturel de Tanger (Un guide de Tanger et de sa région, 1996), publie chez Artaud un carnet de voyage à Marrakech (Vacances secrètes à Marrakech, 1999) et rédige aux éditions Larousse une grande partie du volume sur le Maroc, dans la collection Passion d’ailleurs. Il écrit la première version du guide Karavel du Maroc. Il participe enfin à l’élaboration de projets cinématographiques ou à l’écriture de scénario de plusieurs films (Loin d’André Téchiné, Tanger de Jilali Ferhati, Le café de la plage de Benoit Graffin…).
Il a été président des Instants Vidéo de Marseille (de 2011 à 2015) et co-administrateur de la compagnie de théâtre tangéroise « Spectacle pour tous » (Hamza Boulaïz) dans la même période.

Lectures publiques : Détroit au Salon international du livre de Tanger (Tanger, mai 2014, avec Danielle Mémoire et Caroline Sagot-Duvauroux), à la Librairie les Insolites (Tanger, juin 2014). Je n’étais pas là – Cheminement I à la journée du patrimoine « Etre ici » (Tanger, septembre 2014, avec Samira El Ayachi, Stéphanie Gaou, Abdelghani Fennane, Rachid Khelass et Abdelhadi Saïd). Stèles océanes à la Librairie des Colonnes par Anna-Gaëlle Rio et Franck Paglieri (mai 2015) et au Morocco Club par Delphine Mélèze, Stéphanie Gaou et Ilyass Bouchri (juin 2015), Socco lu par Philippe Lorin (décembre 2015 à la librairie les Insolites, Tanger). Prémisses, au cours du vernissage de l’exposition de Sonia Mezgara, et Un grain de lumière au Border Independant Art Factory de Tanger en mars 2016.

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