Plus d’un siècle après le séjour d’Henri Matisse à Tanger, des artistes de diverses disciplines se réunissent pour lui rendre hommage. Si les paysages de la ville ont été immortalisés par le maître du fauvisme, son art continue d’inspirer plusieurs générations d’artistes tangérois et marocains. Peintres, écrivains et cinéastes prolongent aujourd’hui l’éclat de cette rencontre fondatrice entre un peintre et une lumière. Chacun, à sa manière, rend hommage à l’héritage de l’artiste, de quoi raviver la jalousie d’un Picasso !

Matisse pose son chevalet à Tanger entre 1912 et 1913. Lorsqu’il arrive, la lumière du jour est dissimulée derrière des pluies battantes et désespérantes, mais il tient son mal en patience. Il dédie ces journées diluviennes à peindre des natures mortes : intérieurs feutrés, motifs de zelliges, tissus aux arabesques délicates. Ce n’est qu’après le retour du soleil que sa patience est récompensée. Il découvre la clarté éclatante du Nord marocain, cette lumière crue qui semble compacte et cette couleur qui «se fait par l’extérieur – c’est-à-dire la révélation de la lumière dans la nature».Ce choc visuel transforme sa palette, comme l’avait prédit son professeur Gustave Moreau. Les couleurs se libèrent, les formes s’aplanissent et le réel se simplifie.Plus d’un siècle plus tard, cette parenthèse demeure fondatrice dans la mémoire artistique de Tanger. L’exposition «Matisse, Ici & Maintenant» revisite cet héritage, non comme une relique figée, mais comme une source vive à interroger. Il ne s’agit pas de célébrer l’artiste comme un mythe, mais d’en sonder la vitalité toujours fervente. Rejouer Matisse n’est pas le propos : il s’agit plutôt de prolonger son regard sur la couleur, la lumière et le motif au cœur de la création marocaine contemporaine.

Conçue par le commissaire Amine Boushaba, avec une direction artistique de Houda Rahmani, l’exposition réunit des figures confirmées de la scène contemporaine et de jeunes talents qui s’affirment. Peinture, photographie et installation se croisent dans un même espace pour tisser un dialogue entre héritage et invention. Abdelkrim Ouazzani réinvente le motif décoratif comme langage pictural, Amina Benbouchta fait vibrer les intérieurs de rouge et de fleurs, El Hadi Fekrouni explore une figuration introspective, tandis que Hicham Matini et Houda Terjuman déploient respectivement des allégories sociales et des poétiques du déplacement. Chaque artiste, dans sa singularité, prolonge l’esprit de Matisse sans le citer, transformant la couleur et la lumière en matière critique.L’exposition s’inscrit dans un programme plus large consacré à la relation entre Matisse et Tanger. Trois rendez-vous viendront rythmer la ville.Le jeudi 16 octobre, la Légation américaine accueille la présentation du livre «An Abundance of Light». «A Story of Matisse in Morocco», de l’autrice américaine Lauren Stringer, qui reviendra sur l’expérience marocaine du peintre.Le vendredi 17 octobre, la Cinémathèque de Tanger projette, en avant-première, Matisse après la pluie, documentaire de Fatym Layachi et Antoine Casalta retraçant les résonances entre le Maroc et la Corse dans l’œuvre du peintre.Enfin, le samedi 18 octobre, la Kent inaugure le vernissage de «Matisse, Ici & Maintenant», réunissant artistes, critiques et collectionneurs autour d’un dialogue vivant entre héritage et création.