Face aux « fractures », le Sud s’affirme comme acteur central du nouvel ordre mondial. La 17e édition du Forum International MEDays s’est achevée à Tanger sur un constat sans appel : le monde traverse une ère de « poly-crises » et de « fractures » qui menacent l’équilibre global. Mais le message dominant, porté par les Chefs d’État et de Gouvernement du Sud, est un appel puissant à la souveraineté assumée, à la réforme systémique et au rejet de l’immobilisme. Loin de la posture victimaire, les leaders africains et caribéens ont affirmé que le Sud est désormais l’acteur principal de son destin et de la construction d’un ordre mondial plus juste.

De l’immobilisme à la souveraineté : Le rejet du statu quo.
Le diagnostic était sévère. Mr. Azali Assoumani (Président de l’Union des Comores) a énuméré les fractures qui creusent les inégalités, tandis que Mr. Gaston Browne, Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda a décrit le monde comme « vacillant au bord de l’implosion ».
Face à cela, la réponse est l’action autonome. Mr. Hamza Abdi Barre (Premier Ministre de Somalie) a insisté : « Le Sud global n’est plus un figurant. Nous sommes au centre de l’élaboration du futur.
Ce rejet du statu quo a trouvé un écho dans les critiques acerbes des ministres marocains. Mr. Younes Sekkouri (Ministre de l’Inclusion Économique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences) a mis en garde contre l’immobilisme, illustré par l’anecdote des chefs d’État impuissants face à un train à l’arrêt, et a appelé à une gouvernance qui « écoute la population » au-delà des statistiques officielles et froides qui manquent souvent de capturer l’expérience vécue par le citoyen.
Le Sud ne demande pas la charité, mais la révision de sa juste valeur.
Le défi est avant tout financier et de perception, selon Mr. Ryad Mezzour (Ministre de l’Industrie et du Commerce). Il a dénoncé le biais de valorisation du système financier mondial, soulignant que la capitalisation boursière de toutes les entreprises cotées en Afrique est inférieure à celle d’une seule entreprise technologique américaine, et qu’une seule entreprise mondiale peut lever plus d’investissements que l’ensemble des flux dirigés vers un continent d’un milliard d’habitants. « Nous sommes dans un monde de deal. Ne nous vendons pas avec des [propos sur les] valeurs. Vous avez de la valeur. Ne laissez personne vous dire le contraire, » a-t-il lancé à la jeunesse présente.
Ce sentiment de décalage est au cœur des revendications du Sud. Mr. Azali Assoumani a rappelé que les pays du Sud ne demandent pas la charité, mais un accès équitable aux technologies, au commerce et au financement du développement.
L’Afrique s’unit : L’exemple du Sahel et la solidarité atlantique.
L’affirmation de la souveraineté se traduit par la réinvention des alliances régionales. Mr. Bakary Yaou Sangaré (Ministre des Affaires étrangères du Niger) a tenu à défendre la Confédération des États du Sahel (AES) (Burkina Faso, Mali, Niger) comme une solution africaine, financée sur fonds propres, qui a créé une force unifiée de 5 000 hommes et œuvre à la mise en place d’une Banque AES pour l’Investissement.
Ce nouvel élan d’autonomie s’appuie sur la coopération sud-sud. M. Sangaré a salué la solidarité du Royaume du Maroc envers les pays de l’AES, notamment à travers l’Initiative Royale offrant un accès à l’Atlantique, y voyant l’exemple d’un partenariat « respectueux de la souveraineté » et non conditionnel.
La voix des îles : Plaider pour la vulnérabilité.
Les petits États insulaires en développement (PEID) ont réclamé une attention spécifique face à la crise climatique. Mrs. Sylvanie Burton (Présidente du Commonwealth de la Dominique) et Mrs. Ilza Maria dos Santos Amado Vaz (Ministre d’État pour les Affaires Étrangères de São Tomé et Príncipe) ont martelé que la bataille du climat se joue dans leurs îles et océans.
Mme Amado Vaz a insisté sur la nécessité pour les solutions régionales de prendre en compte les vulnérabilités structurelles des PEID (comme la dépendance économique et l’exposition aux chocs climatiques) et de ne plus se baser sur des approches uniformes qui ne correspondent pas à leurs réalités. L’appel est donc à une réforme du système financier global pour que le financement du développement soit basé sur la vulnérabilité et non sur le seul revenu.
MEDays, un sommet du dialogue sans complexe.
Toutes les interventions ont convergé vers le rôle du Maroc et de son Roi, Mohammed VI, pour son leadership dans la promotion du dialogue et de la solidarité. Les délégations ont réaffirmé leur soutien à la souveraineté marocaine, saluant l’adoption de la résolution 2797 du Conseil de Sécurité de l’ONU comme la base la plus sérieuse et réaliste pour la résolution du conflit du Sahara.
En clôturant la 17e édition, Brahim Fassi Fihri (Président Fondateur de l’Institut Amadeus) a déclaré que le MEDays, avec ses 8 500 participants et ses nombreux Chefs d’État, n’était plus un forum, mais un Sommet. Il a célébré la participation active de la jeunesse et la capacité du Maroc à générer une coopération sud-sud agissante.
«L’Afrique, mais aussi le Sud global, en sortant de ce forum, a non seulement la conviction, mais la certitude que le Sud peut prendre efficacement son destin en main et que le Sud n’a non seulement pas de leçon à recevoir, mais n’a rien à envier à personne».
Par Marin Kevin, envoyé spécial à Tanger de AllAfrica