Gallery Kent organise une soirée exceptionnelle le samedi 20 décembre pour la présentation de sa nouvelle publication: « Trompe-l’œil », un livre tout en images sur les carnets d’artiste de Mohamed Benyaïch, accompagné d’un texte de Philippe Guiguet Bologne. Une belle idée de cadeau pour vos proches à l’occasion des fêtes de fin d’année.
« Trompe-l’œil » a été tiré à 150 exemplaires, numérotés et signés par Mohamed Benyaïch. La rencontre sera animée par l’ami Sali Bouba Oumarou, en présence de Mohamed Benyaïch et Philippe Guiguet Bologne.
Extrait:
« Mohamed Drissi avait trouvé dans l’expressionnisme la forme la plus adéquate pour exprimer les terribles solitudes qui nous accablent. Il ne s’agissait pas d’une solitude de l’être social, puisque le peintre était très entouré, respecté et aimé ; il nous révélait la solitude de l’artiste, substantielle à l’être et à la conscience, une solitude de la perspicacité à vif, face à la vanité et à la violence du monde. La solitude de ceux qui affrontent leur société et leurs semblables, sans pouvoir se contenter de l’ordre établi, et qui jamais ne détournent le regard pour échapper à ce qui terrasse leurs contemporains. La solitude d’une conscience qui fait face à la misère morale de son temps. Mohamed Drissi mettait ses personnages à nu, déshabillait leurs corps tordus par la douleur, dessinait leurs sourires tourmentés, de la même façon que les expressionnistes allemands déformaient de mal-être les corps de leurs modèles, figurant ainsi la montée des fascismes qui allaient ravager la première moitié du XXe siècle et anéantir toute possibilité d’une haute idée de l’homme. On a pu penser que la violence de notre époque était liée à cette incommensurable émancipation que fut la fin nietzschéenne de Dieu – est-ce donc la violence de la liberté elle-même ? – ; mais la véritable brutalité était à chercher bien loin du déicide : dans la fin de l’homme – en tant qu’être et conscience perfectibles -, et dans la désormais absolue impossibilité de foi, de croyance – en autre chose que le nouveau veau d’or : la consommation ? -. Pier Paolo Pasolini a fait montre d’une rare acuité sur la postmodernité qui prenait forme sous ses yeux : il acheva son mythique film Médée – qu’il a pourtant renié comme sa Trilogie de la vie – par la formule que la reine, prêtresse, magicienne et amante prononce dans un plan découvrant tout son vertige : « Rien n’est plus possible désormais ». La fin de l’enchantement, de la griserie comme de l’illusion et du charme : si Dieu n’est plus dans ses cieux, l’homme ne sera pour autant jamais un animal divin, ni même un simple animal d’ailleurs, mais cet animal dénaturé, devenu nuisible pour lui-même et pour son entier environnement. Cette incommensurable violence, cette gigantesque incompréhension, cette innommable perte ont travaillé l’âme et la conscience de Mohamed Drissi, qui avait trouvé son chemin expiatoire en l’expressionnisme. Mohamed Benyaïch reprend les mêmes codes graphiques, qui immédiatement nous conduisent, instinctivement, dans un répertoire d’affliction, car le peintre ne renie en rien le fait que cette tragédie soit bien réelle : notre monde est aussi pourri que le royaume du Danemark de Hamlet. Le plasticien invente d’ailleurs une nuance de vert pour exprimer ce fameux entre-deux, la même indétermination par laquelle surgissent les monstres de l’histoire – ceux de Gramsci, bien sûr, ou encore ceux de la révélation shakespearienne de La Tempête, dans laquelle il se dit que « L’enfer est vide, tous les démons sont ici. » Mohamed Benyaïch émet un signal et confesse : « Je sais bien tout cela, j’en ai une conscience aigue, je ne suis pas dupe, et ce que Freaky a enduré, a vécu d’excès, prouve ma lucidité et combien je suis touché… Mais j’ai trouvé ma voie et ma paix, je me suis fait homme parmi mes semblables, et plutôt que de souffrir de tout ce que nous ne pouvons être, je nous regarde dans notre admirable et triste humanité : je m’en contente et, mieux, je m’en réjouis… » Il y a ainsi, dans ce vert Benyaïch tirant vers le kaki des uniformes militaires, un mélange des jaunes du fiel et des bleus du ciel, un retissage des liens possibles entre l’homme et l’homme, l’homme et l’empyrée, l’homme et la terre. « Nous ferons ce que nous pouvons », dit son œuvre, qui finalement nous désigne dans nos solitudes désormais assumées, et qui montre le tableau du pardon que l’on peut s’adresser à soi-même autant qu’on doit l’accorder à nos semblables. »
Samedi 20 décembre 2025 à 18h00
Gallery Kent
19 rue Jabha Wataniya, 90000 Tanger, Maroc
www.gallerykent.com
IG : gallerykent / FB : Gallery KENT

