Pour la reconnaissance d'Elisa Chimenti

Une  Salle Elisa Chimenti s’imposait dans ce beau Palais des Institutions Italiennes (anciennement Palais Moulay Hafid ), où elle a consacré une majeure partie de sa vie à enseigner .

Ahmed Benchekroun et Elisa Chimenti

Inaugurée en Mars 2010, une bibliothèque offre (sur rendez vous) aux visiteurs curieux et intéressés par cette femme exceptionnelle, des photos d’époque, des compilations de documents, des tableaux la représentant réalisés par Olga Benchekroun, intime avec elle, des livres, des archives de lettres diverses, de journaux etc…

Portraits d'Elisa Chimenti réalisés par Olga Benchekroun

Tout pour raconter l’histoire d’ Elisa, elle qui fut une conteuse remarquable….

Tout pour inciter à lire et découvrir cette écrivaine prolifique dont le ton étonnamment moderne surprendra…

Et bien évidemment  pour pouvoir  dialoguer avec une équipe passionnée qui l’a connue, approchée de près ou de loin, reconnue ou recherchée et qui ne cache pas sa fierté  d’honorer ainsi sa mémoire  et de perpétuer son oeuvre littéraire.

Ce fut un  travail démesuré qui a été effectué pour s’y retrouver dans les écrits d’Elisa, dont Ahmed Benchekroun,  son jeune  secrétaire littéraire et confident à 23 ans quand elle en avait elle même 83, fut l’héritier après sa mort…

Elisa écrivait partout, en tous sens, carnets, cahiers, feuilles volantes, elle  notait, inscrivait chaque idée, émotion, elle traquait le quotidien …

Avec son épouse Olga,  Maria Pia Tamburlini et Mireille Menon professeurs à Rabat, Tina Modortti photographe, ils ont mené inlassablement toutes les investigations nécessaires afin de redonner une cohérence à l’oeuvre et suivre le fil d’Ariane dans ce labyrinthe de toute une vie d’écrivaine…

Olga et Ahmed Benchekroun, Aïch Bengio et Maria Pia Tamburlini

Et, m’ont ils confié, à leur plus grande surprise, ils ont découvert une fois le plus gros du travail achevé, un plan conçu par Elisa elle même pour ne pas se perdre…

ll reste bien sûr encore beaucoup de trésors éparpillés à  mettre à jour et de surprises dévoilées mais aujourd’hui, ce travail minutieux, patient et enthousiaste a donné lieu à la publication d’un excellent livre « Elisa Chimenti Anthologie », livre essentiel, réunissant romans, contes, récits, chants poétiques, révélant le talent de cette femme de lettres hors du commun mais aussi toute l’histoire de la société marocaine de l’époque..

Oeuvre historique, sociologique, vibrant témoignage. Préfacé et postfacé par Ahmed Benchekroun et Maria Pia Tamburlini.

Editions du Sirocco et Senso Unico Editions.

QUI ETAIT ELISA CHIMENTI ?

Née à Naples (1883), Elisa Chimenti a résidé à Tanger où elle a été parmi les éminentes personnalités de la ville durant la première moitié du 20ème siècle. Ecrivain et ethnologue, journaliste, enseignante et fondatrice de l’école italienne.  Son père, médecin et poète, s’établit en Tunisie avec toute sa famille en 1884, puis au Maroc, où il devient le médecin personnel du Sultan Moulay Hassan.

A Tunis puis à Tanger, Elisa fréquente l’école de l’Alliance Israélite. Selon le curriculum vitae signé de sa main, elle maîtrisait parfaitement le français, l’arabe, l’espagnol, l’italien, l’hébreu, l’allemand, le portugais et le russe. Outre l’arabe qu’elle parlait couramment, elle parlait plusieurs dialectes maghrébins.

En 1907, la mort subite de son père change sa vie.

En 1912, son mari, un comte polonais tente de l’étrangler le soir de ses noces, elle divorce quelques années plus tard. En 1914, elle fonde avec sa mère la première école italienne au Maroc. Elle fut également la première à fonder une institution prestigieuse, L’ Ecole Italienne (établissement d’avant garde inter culturel et multi confessionnel comprenant le primaire et le secondaire). L’établissement connaît un grand succès et il est financé à partir de 1924 par le gouvernement italien, qui pourvoit aussi à la rémunération des deux enseignantes.

Elisa Chimenti à deux âges de sa vie...

Elisa va dédier toute sa vie à l’enseignement et à l’écriture.

Il est triste de lire qu’après la guerre son pays natal, l’Italie auquel Elisa était restée très attachée n’a pas soutenu cette femme qui avait lutté contre le fascisme et l’a laissée dans une misère éprouvante jusqu’à la fin de sa vie. La perte de ses trois sœurs, et le manque de ressources rendent tragiques ses dernières années.

 » Je vis dans la misère la plus lugubre  » écrivait-elle dans une lettre poignante au président de la République italienne en 1964.

Elle s’éteignit à l’âge de 86 ans en 1969, .

L’ hommage qui lui a été rendu par Abdelhamid Bouzid  paraît assez significatif :

 » Elisa Chimenti, dit-il, n’est pas seulement une Italienne, car elle fut aussi dans les faits (…) une Marocaine, une Tangéroise. Notre nationalité n’est pas toujours celle que l’administration inscrit sur notre passeport, elle est plutôt celle du groupe humain avec lequel nous avons choisi de vivre, celui dont nous avons partagé les joies et les peines, celui que nous avons cherché à comprendre et avec lequel nous réalisons les idéaux de notre existence. Elisa Chimenti était tout cela et à ce titre – nous Marocains- réclamons sa tangérosité. »

LE BEL HUMANISME D’ELISA

Grand poète du quotidien, Elisa Chimenti, s’intéressait à tout avec une remarquable qualité d’écoute. Son esprit était très attentif aux femmes, qu’elle observait avec subtilité dans leurs lieux de vie.

Elisa Chimenti et des dignitaires Marocains

Elle côtoyait aussi bien les gens du peuple que les intellectuels ou hauts dignitaires, toujours aux aguets et présente, ne ménageant pas ses efforts pour aider les plus malheureux (création de l’association de bienfaisance  » L’aide fraternelle  » lors de la grande famine du Rif en 1941).

Pionnière dans de nombreux domaines :

– elle fut professeur d’arabe littéraire dans les medersas

et, fait rarissime, elle fut la seule Européenne à enseigner dans l’école d’Abdellah Guennoun où sont formés les docteurs du Coran ! La considération qu’on lui témoigna était telle qu’elle fut appelée fqih (docteur en science coraniques),

– elle défendit les déshérités marocains envers et contre tous surtout dans les journaux européens dont elle était la correspondante,

– elle s’intéressa à l’écologie et même la science fiction.

Dans le Tanger mondain elle avait aussi « son jour » : elle  tenait un salon réputé tous les mercredis après midi dans sa maison de la rue Benchimol.

Femme curieuse de tous les  savoirs, elle se passionnait également pour la culture ante islamique, les croyances primitives et païennes dont on retrouve la permanence des rites, les cultes des eaux, des végétaux, des génies dans son ouvrage de mille pages « Chants du Maghreb »…

Comme le précise Maria Pia Tamburlini  » la modernité de son écriture vient du fait qu’il s’agit d’une écriture métissée, fécondée par les expressions, les syntaxes et les termes empruntés aux différentes langues qu’elle connait. Une nouvelle langue Franque, vivante et expressive qui découle directement des récits oraux du coeur même de l’Afrique  »

Rachel Muyal  m’indique aussi qu’elle utilisait le « haketia » jargon judéo espagnol  typique de Tanger.

Amoureuse aussi, après son mariage fâcheux : l’homme de sa vie a été le Si Ahmed Fakharji, algérien d’origine turque interprète-traducteur auprès de la plus haute autorité de l’époque ante et post guerre mondiale, le Mendoub de sa Majesté chérifienne.

Comme l’ont marqué ses éditeurs en exergue « Nous souhaitons autant de bonheur à entrer dans l’univers d’Elisa Chimenti que nous en avons eu à le vivre tous ces mois pour lui redonner la lumière  »

Et laissons lui le mot de la fin avec un de ses poèmes  :

Clartés

Je ne demande qu’une chose au destin,

La clarté, rien que la clarté.

La clarté des étoiles amies

Entrant par la fenêtre dans les nuits tièdes,

La clarté blanche de la lune sur nos terrasses,

Aux heures de repos et de rêve,

La clarté du soleil sur le tapis des champs,

pour moi et pour ceux aussi

Qui gémissent au fond des geôles.

La clarté blanche de la lune sur nos terrasses,

La clarté douce d’un foyer heureux

Et calme pour mes soeurs les femmes,

Toutes les femmes,

Et la clarté humide qui brille,

Dans les yeux d’un enfant.

Puisse le destin m’accorder toutes ces clartés

Pour la durée de la vie,

Avant que vienne sur moi

La profonde, l’éternelle

Obscurité du tombeau.

(Chants de Femmes)

Aïch Bengio

FONDATION MEDITERRANEENNE ELISA CHIMENTI

Nous, les membres fondateurs soussignés :
 
- animés par la volonté de rendre hommage à Elisa Chimenti (Naples 1883-Tanger 1969), italienne de naissance, qui a résidé et oeuvré à Tanger avec sa famille durant toute sa longue vie d’adulte et a assimilé et diffusé avec délicatesse et verve toutes les cultures qui s’y côtoient en tant qu’écrivaine et ethnologue, journaliste et promotrice de solidarité, enseignante et fondatrice de l’école italienne, unique étrangère et femme admise à enseigner l’arabe ;
- déterminés à continuer le travail de recherche et de divulgation sur la vie et l’œuvre d’Elisa Chimenti qui a été entamé il y a 20 ans et qui est poursuivi dans le cadre d’un projet de divulgation de la coopération italienne jusqu’au  de 1997 à 1999 ;
- désireux de ramener l’héritage morale et culturel d’Elisa Chimenti dans le Palais des Institutions Italiennes (ancien Palais Moulay Hafid), lieu prestigieux où elle a longtemps enseigné, lieu de rencontres pour les femmes et les jeunes de Tanger et de la Méditerranée,
 
avons décidé de constituer la « Fondation Méditerranéenne Elisa Chimenti » les suivants
. L’association est à but non lucratif et a pour objet de promouvoir :
 
- des échanges entre personnes, groupes – surtout de jeunes et de femmes – et avec d’autres associations similaires et/ou entre entités similaires, aussi bien au Maroc qu’en Italie ou dans d’autres pays de la Méditerranée, ou d’ailleurs, avec l’objectif de croiser et valoriser les savoir-faire et diffuser cette culture méditerranéenne et surtout féminine, marquée par le respect réciproque, la curiosité de l’autre et l’esprit d’adaptation dont Elisa Chimenti est un point de repère incontournable ;
 
- des initiatives qui permettent de mieux connaître et diffuser la vie et l’œuvre d’Elisa Chimenti, ainsi que la vie et les œuvres d’autres écrivaines et écrivains qui, comme elle, ont étudié et diffusé les multiples aspects culturels et interculturels de la Méditerranée ;
 
- des initiatives d’ordre culturel, scientifique et socio-économique pour contribuer à une meilleure connaissance mutuelle entre les pays de la Méditerranée, à une circulation croisée des traditions et des créations, en s’inspirant notamment aux objectifs et aux réalisations de Elisa Chimenti et aux critères universels de dialogue et de paix.

 Voici la liste des membres:

1. Membres d’honneur:

Son Excellence l’Ambassadeur d’Italie à Rabat Mr Piergiorgio Chérubini

S.M. la Princesse Charifa Lalla Oum Keltoum Abdelaziz

2. Membres fondateurs:

Lalla Malika Alaoui

Tajeddine Baddou

Nihal Benaissa

Ahmed Benchekroun

Olga Benchekroun

Emanuela Benini

Gianfranco Ginelli

Nisso Gabai

Rachel Muyal

Maria Pia Tamburlini

3.  Membres actifs:

Silvia Coarelli, directrice de la communication

5 Responses to "Pour la reconnaissance d'Elisa Chimenti"

  1. Hayatiamal  19 janvier 2011 at 23 h 56 min

    CERA UNA VOLTA !

    Répondre
  2. Hayatiamal  19 janvier 2011 at 23 h 56 min

    CERA UNA VOLTA !

    Répondre
  3. Petri Giancarlo  27 février 2011 at 12 h 59 min

    J’ai connu les Chimenti en tant que professeurs de l’école Italienne. Les deux soeurs étaient des personnes d’une grande culture et devaient parler au moins une dizaine de langues.
    Poetes, écrivains………..je me souviens encore de la poésie:
    Pussy cat, pussy cat……… A ce propos il y avait chez elles au moins 100 chats et chiens qu’elles ramassaient dans la rue. Elles étaient un peu particulières mais extraordinaires. Je crois qu’elles ont été prof de mes parents et oncles aussi.
    Je garde un très bon souvenir des soeurs Chimenti

    Répondre
  4. Petri Giancarlo  27 février 2011 at 12 h 59 min

    J’ai connu les Chimenti en tant que professeurs de l’école Italienne. Les deux soeurs étaient des personnes d’une grande culture et devaient parler au moins une dizaine de langues.
    Poetes, écrivains………..je me souviens encore de la poésie:
    Pussy cat, pussy cat……… A ce propos il y avait chez elles au moins 100 chats et chiens qu’elles ramassaient dans la rue. Elles étaient un peu particulières mais extraordinaires. Je crois qu’elles ont été prof de mes parents et oncles aussi.
    Je garde un très bon souvenir des soeurs Chimenti

    Répondre
  5. BENSALEM MOHAMED  26 avril 2016 at 0 h 53 min

    Come ex alunno della scuola Italiana di Tangeri, non posso che complimentarmi e ringraziarvi per quel che fate. Non conoscevo la Signora Chimenti. Vi ringrazio per avermela fatta conoscere.

    Répondre

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