« L’invention de la réalité » par Amine Oulmakki…

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La galerie Photo Loft de Tanger organise une exposition sur Amine Oulmakki intitulée « Intérieur /Nuit » du 7 octobre au 19 novembre.

imageNé le 28 janvier 1986 à Rabat, il est lauréat de l’Institut Supérieur du Cinéma et de l’Audiovisuel (ISCA) en 2008. Il débute sa carrière en travaillant dans des chaînes de télévisions nationales et internationales. Parallèlement, il participe au tournage de plusieurs films de cinéma en tant que photographe de plateau, monteur de films et vidéaste. C’est à travers cette expérience cinématographique que se révéla chez lui un intérêt particulier pour la photographie et le cinéma.
En effet, en 2009, Amine Oulmakki contribua à la reconstitution de l’association Fotografi’Art à Rabat dont il est toujours un membre actif. Il développe avec différents artistes des expositions, des concerts et des spectacles pluridisciplinaires en tant que directeur artistique dans l’évènement EXPO F’DARNA de l’association.
C’est donc dans le cinéma et la photographie qu’Amine Oulmakki tente de se frayer un chemin. L’oeil du photographe et la vision du cinéaste répondent à une nécessité; celle de s’inscrire dans des valeurs universelles et humanistes. Temps et corps, vie et mort, fugacité de l’instant, tels sont les thèmes qui habitent son imaginaire et jalonnent sa démarche de création.

Amine Oulmakki. L’invention de la réalité.

La photographie est en grande partie née du besoin de la révolution industrielle dans la seconde moitié du XIXe siècle, de se doter d’un outil fiable de reproduction de la réalité. Scientifiques, ingénieurs, architectes, médecins, aménageurs, promoteurs, banquiers etc… tous avaient besoin de pouvoir s’appuyer sur des documents qui, excluant toutes formes d’interprétation, pouvaient garantir enfin, par son processus de fabrication des images, cette objectivité dont ce monde moderne naissant avait besoin pour se révéler et se diffuser.

Si c’est bien comme document que la photographie est reconnue au moment de son invention par les commentateurs et par le plus grand nombre, il est aussi tout à fait passionnant de s’arrêter sur les expériences et les réflexions des premiers photographes qui se sont adonnés à sa mise en abîme.

Parmi eux bien sur, Hippolythe Bayard.

Engagé dans la course à l’invention de la photographie, il a immédiatement contesté la primauté de Daguerre avec ses photographies sur métal (les daguerréotypes), en faisant valoir son procédé de photographie sur papier. Au final, il n’eût malheureusement pas pour lui la reconnaissance officielle et la rente viagère de l’Etat français attribuée à quelques semaines près à Daguerre devenant ainsi l’inventeur officiel de la photographie.
Déçu que son procédé ne lui ait pas permis d’atteindre le panthéon des inventeurs, Hippolythe Bayard tenta, pour attirer l’attention, de retourner la situation en se « noyant » photographiquement.

En Octobre 1840, quelques mois à peine après la reconnaissance officielle de l’invention de la photographie, il réalisa en effet un « autoportrait en noyé » en inscrivant au dos de l’épreuve, un texte s’achevant par cette phrase : « Le gouvernement, qui a bien trop donné à M.Daguerre, a dit ne pouvoir rien faire pour M. Bayard, et le malheureux s’est noyé. Oh ! instabilité des choses humaines ! ».

Avec ce canular, Bayard réalisait malgré tout ce qui restera comme la première photographie mise en scène de l’histoire.

A bien regarder l’image, on y voit bien sur de nombreuses références. Celle de la peinture religieuse, mais celle aussi plus contemporaine de l’époque de Bayard du « Marat assassiné » du peintre David, avec notamment le même abandon théâtralisé du cadavre, souligné par la blancheur du linge. Grâce à ce jeu, grâce à cette expérience étonnante, Bayard à contre-courant de la conception de l’époque qui pense que la photographie n’est qu’un simple outil d’enregistrement du réel, produit finalement une autre réalité, au même titre que la peinture put le faire. Cet usage très marginal de la photographie au début de son histoire aura in fine, un avenir insoupçonné.

Bayard concrétisait avec cette fiction d’un « autoportrait en noyé », une ligne de partage dans l’usage possible de la photographie entre réel et fiction, entre pittoresque et valeur documentaire. Cette ligne de partage articulera les débats et les expériences intenses, accompagnant tout au long de l’histoire la question de savoir si la photographie pouvait être reconnue comme un art.

Il faudra attendre pour le début de cette reconnaissance les années 1970, comme le démontre très bien André Rouillé dans son livre « La photographie, entre document et art contemporain ». Les expériences extrêmement créatives et conceptuelles conduites par les tenants de la photographie modernistes des années 1920 et 1930, ne réussissant pas à donner à ce médium un statut autre que celui formulé dès son origine, d’une technique à la valeur documentaire exceptionnelle.

C’est effectivement la génération des critiques et des théoriciens des années 1970-80, Rosalind Krauss, Susan Sontag, Denis Roche, Roland Barthes, Wilèm Flusser, Hubert Damisch et quelques autres, qui en enrichissant leurs analyses sur la nature de la photographie d’apports provenant de la sémiologie, de l’histoire, de la psychanalyse… qui seront les premiers à imposer l’existence d’une pratique incontestablement artistique de la photographie.

Depuis les années 1990/2000, avec l’extinction des vieux débats des origines séparant art et photographie, ce qu’on a appelé un peu vaguement la « photographie plasticienne » s’est imposée dans le champ artistique en empruntant à la peinture la « forme tableau ». Les images changent alors de format pour se faire monumentales. Qu’elles soient construites sur un socle strictement documentaire (B&H.Becher, T.Struth, G.Basilico, A.Gursky, T.Ruff….) ou très volontairement mises en scène (C.Sherman, A.Fleischer, B.Faucon, A.Skoglund) ou encore à la lisière de ces deux conceptions (J.Wall), aucune échappe à la théâtralisation. La narration, l’autobiographie vraie ou inventée, la citation, la polysémie du langage photographique s’imposent dès lors comme autant de systèmes de construction d’images qui n’hésitent pas à emprunter à la publicité ou au cinéma une efficacité visuelle qui impose désormais la photographie dans le monde et le marché de l’art.

Bernard Millet

Bernard Millet est directeur de l’Institut Français de Rabat. Conservateur de Musée, ancien directeur des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, il est l’auteur de nombreux textes sur la photographie.     Il a également été Professeur associé à l’Université de Provence.

Photo Loft
115, avenue Mohamed Ben Abdellah,
8ème étage, N° 32, Tanger
photoloft-tanger.com – contact@photoloft-tanger.com

Exposition exceptionnellement le vendredi 07 octobre au samedi 19 novembre 2016
Vernissage le vendredi 07 octobre de 19h00 à 00h00
2 Nocturnes les jeudis: 20/10 et 03/11/2016 de 19h00 à 23h00
Visite de la galerie sur RDV du lundi au samedi – contact : A. Guyot 06 41 45 66 40

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