Non ce n’est pas une vieille femme chenue auprès de son rouet d’antan… Nathalie est une femme moderne, passionnée, enjouée, à la démarche volontaire et au regard franc. L’authentique, le vrai, l’origine des choses sont au cœur de sa vie. Elle déambule dans les rues étroites et blanches d’Assilah en balançant à la volée des grands sourires et des Salam Aleykoum aux marocains et marocaines qui la saluent aussi avec affection et tendresse.
Son premier épisode est français, il se situe en Bourgogne, à côté de Saint-Jean de Losne (patrie des péniches), proche de Chalon sur Saône et de Dijon. Pendant de longues années elle s’occupe de brocante, virus communiqué par sa mère. Elle achète des objets, hante les salles des ventes où année après année elle se rapproche du premier rang pour mieux cerner les mouvements du commissaire priseur qu’elle amadoue avec des sucreries… Très forte Nathalie… Mais pas assez pour trimbaler les armoires normandes, une histoire de mec. Alors elle cible ses recherches, ses achats… Sa spécialité ce sont les bijoux, les objets de vitrines (bibelots, boites, flacon, couverts…) et surtout le linge… Une histoire de femme.
Pendant de nombreuses années, elle vend sur les marchés et sur les brocantes de sa région. Elle adore ce métier de chercheurs de trésor, d’ambiance de bistrot, de café au coin du feu quand il fait frisquet dehors. La rudesse du métier et sa dimension humaine, les coups de gueules, la liberté, le coup d’oeil sont les composantes de la tache. En parallèle de cette activité libre mais prenante, elle s’occupe d’une chambre d’hôtes très spéciale. Un endroit où elle vit vraiment avec ses trois filles et où les clients arrivent pour quelques jours et peuvent rester plusieurs mois…
Puis elle arrive à un tournant de sa vie et change de cap.
Son cap de rêve c’est l’atlantique, elle adore l’océan, sa profondeur, sa force, ses gris et ses bleus… elle imagine s’installer sur les côtes françaises mais un hasard l’emmène ailleurs, au Maroc. Casablanca, Tanger, Assilah… C’est à Assilah qu’elle passe les vacances de Noël, il y a cinq ans, avec sa fille Nina. Une heureuse rencontre emporte sa décison : ce sera ici.
Et là elle reprend ses vieux démons de la brocante, des objets, du linge… Elle se balade a Casa Barata, elle observe, elle ressent et s’enthousiasme pour l’artisanat du Maroc. Elle est séduite par l’ambivalence d’Assilah entre la sur animation de l’été et la quiétude, voire la solitude de l’hiver, l’ambiance artiste du lieu, les belles étoffes, par le travail du filage et du tissage traditionnel. Elle est médusée par les belles matières. La qualité de ce travail artisanal la passionne.
Elle décide alors de marier ici, techniques ancestrales et matières brutes et authentiques : lin et chanvre. Pas simple, le lin vient de nord de l’Europe. Il faut donc le faire venir. Pire, pas de fil de chanvre au Maroc. Alors elle se lance un défi et décide de filer le chanvre existant sous forme de filasse au Maroc et très utilisé à Assilah et tous les autres ports, par les pêcheurs pour étancher et colmater les coques en bois de leur bateau. Elle achète dans le coin une balle de chanvre « stopa » comme l’appelle les marins marocains (stopper l’eau) pour tester son idée.
De bons amis lui fabriquent un rouet. Elle se met, à titre expérimental, à filer du chanvre à l’ancienne, oui elle fait ça… Elle améliore même la technique du rouet traditionnel. Authentique Nathalie mais pas passéiste. Elle remplace les pédales par un moteur électrique, améliore les systèmes d’enroulage, invente des tenseurs dynamiques avec du gros fil de pêche… Déterminée et ingénieuse cette Nathalie.
Elle se met à créer sa matière première, le fil de chanvre, (une bobine de 150 g, 2 h de travail…). On pourrait croire que le brut de chanvre (enfin le bas de la tige) n’est pas loin dans le Rif marocain!!! Eh bien non. Il vient du Népal par cargo, c’est comme ça… Ensuite elle fait tisser des pièces de tissu original en lin et chanvre par des artisans marocains à partir du filage de son propre chanvre… Elle travaille en collectif avec Andrée une française qui habite Assilah (styliste), et Bouchra jeune marocaine de talent qui coupe, coud, assemble, connaît le travail des matières et du fil… Et Khadija qui file depuis peu de belles bobines et Abdelghani qui négocie la filasse et a déniché « le top des tisserands » dans une petite ville proche.
Création d’une gamme de produits : rideaux, sacs, tabliers, couvertures piquées, nappes… et de sa propre marque «Dar Nina».
Nous avons connu Nathalie Baclet par Nachida Djilali de la « Tribu des Ziri » qui a découvert l’excellence de son travail et des ses créations qu’elle présente dans son espace de Tanger, un lieu de découverte et de trouvailles inédites, un véritable cabinet de curiosités qui met en lumière le travail d’artistes et d’artisans.
Venez découvrir le travail de Nathalie Baclet à la « Tribu des Ziri » – 28 rue Khalid Ibn Walid (ex Velasquez) – 90000 Tanger – Tél: +212 (0)5 39 33 19 16
Paul Brichet