Les petits métiers de l’Aïd, entre le furtif et le lucratif

Voici le très intéressant article de Jamal Amiar publié dans MEDIAS 24

Le chiffre d’affaires global généré par l’Aïd est estimé à 10 milliards de DH, qui changent de mains en quelques jours. Dans ce montant, les ventes de bétail représentent l’essentiel (80% environ), suivi par l’électroménager, les divers ustensiles, le tourisme intérieur et enfin les petits métiers ainsi que les innovations.

(Photo AIC press)

Dans tous les quartiers des villes du Maroc depuis 15 jours, c’est le branle-bas de combat. A l’approche de l’Aïd al Adha célébré ce mercredi 16 octobre, toute une panoplie de petits métiers de l’Aïd se déploient dans les ruelles des quartiers.

Car si 8 millions de moutons sont vendus en cette période, un chiffre d’affaires global supérieur à 8 milliards de DH, l’achat du mouton ne constitue qu’un petit bout de l’économie furtive et lucrative qui se développe dans tout le pays pendant une quinzaine de jours.

A 40-45 DH le kilo, il faut compter entre 2.500 et 3.000 DH pour acquérir un mouton smin et «honorable», un mouton pesant entre 40 et 70 kg en moyenne.

La période de l’Aïd n’est pas exempte d’innovations économiques et commerciales en tous genres : e-mouton, pastilles allume-feu ou offre de barbecues et de tajines de plus en plus large s’installent.

Des opportunistes, des reconvertis et des établis

Ainsi côté métiers éphémères de l’Aïd, Il y a les professionnels «opportunistes», les «reconvertis» et les «établis».

Parmi les opportunistes, on trouve Hamid qui, jardinier à mi-temps, a choisi de prendre un congé à la fin du mois de septembre dernier pour installer un étal de tajines et de sacs de charbons devant la maison familiale.

Les tajines se vendent entre 15 et 60 DH en moyenne selon la taille et la qualité, sachant que depuis cet Aïd 2013, les tajines sans plomb sont de plus en plus disponibles.

Côté charbon, le kilo se vend cette année autour de 8 DH/kg, avec «un petit discount en nature si vous prenez un sac de 20 kg ou plus» me précise mon marchand de tajines et de fakher.

Parmi les autres produits disponibles chez Hamid, on trouve également du fourrage, à 90 DH la botte et «les vitamines du mouton», entendez les petits sachets d’avoine ou de son, c’est selon, que vous souhaiteriez acheter pour votre bête pour qu’elle soit bien smina, bien grasse, le jour fatidique.

La catégorie des reconvertis regroupe deux types de professionnels. Ceux qui comme les bouchers de toujours, réduits au chômage technique avant et après l’Aïd ont pris toute une série de rendez-vous avec leurs clients et leurs connaissances pour venir chez eux égorger leur mouton le jour de la fête. Dans ce cas-là, le maître-boucher ou son principal employé font le tour des maisons le jour de l’Aïd pour égorger le mouton pour un prix, préparer la douara pour un autre, et encore rajouter un petit supplément pour le découpage de la bête en gigots, côtelettes, …

Une autre catégorie de reconvertis intéressante à observer est celle des bouchers encore ou des poissonniers qui, eux aussi réduits au chômage technique, reconvertissent leur commerce en un lieu de vente d’olives et de condiments, de fruits secs et de confiseries de fête, la fakia, tout en installant à l’entrée de la boutique une petite machine à … affuter les couteaux.

Des «vitamines du mouton» et des pastilles allume-feu

Parmi les reconvertis, on trouve Mustapha qui habituellement réparateur et réchappeur de pneus et de chambres à air a décidé depuis 15 jours de gagner plus d’argent en vendant lui aussi, tajines, charbon et brochettes par douzaines made in China ou du fabricant marocain Lamacom, 20 DH le paquet de 12 brochettes + 1 en prime !

Reconverti, mais commerçant innovateur et opportuniste également, Mustapha vend aussi un produit auparavant réservé aux bourgeois avec une cheminée dans leur salon: «des petites pastilles allume-feu à 15 DH la boîte ou bien à 2 DH pièce» me précise-t-il. C’est le produit à la mode cette année.

Il existe enfin les professionnels établis qui sont forgerons toute l’année mais qui à l’approche de l’Aïd se sont concentrés sur un seul objet : le barbecue, le mejmar.

Ils sont là stockés par dizaines devant les boutiques, et les prix vont de 20 DH pour le petit barbecue simple et rond qui fait environ 30 cm de diamètre à 800-1.000 DH pour un barbecue de 80cm à 1 mètre de large, sur pieds, soigneusement couvert d’une couche de peinture argentée.

L’artisan Ahmed m’explique qu’il en vend entre 10 et 20 depuis 10 jours et qu’il en a même expédieé à un grossiste à Rabat et un autre à Tétouan.

Une autre catégorie de professionnels établis qui fait du chiffre d’affaires supplémentaire pendant l’Aïd est constituée des boutiques, nombreuses, qui vendent vaisselle, théières, plateaux et autres bassines en plastique et boîtes à épices.

Le e-mouton

Enfin, il y a le e-business : chaque année, les ventes d’e-moutons se portent de mieux en mieux au Maroc. Alhawli.com existe. Mardi matin, il ne leur restait plus que 5 moutons à vendre ! Joint au téléphone, le propriétaire de Alhawli Mohamed Sriti m’indique qu’il a vendu «près de 200 moutons cette année» contre moins de 50 en 2008 lorsqu’il a démarré son affaire.

Après l’Aïd, on l’imagine, Mohamed ne pouvant pas retourner à ses moutons, tous vendus, retourner à sa ferme cultiver ses olives et presser son huile.

Ouverts depuis 15 jours 12H/24, ces commerçants des villes dans leur grande majorité ont ouverts jusqu’à minuit lundi 14 octobre au soir, soit 2 jours avant l’Aïd. Ce soir encore, mardi 15 octobre ils resteront ouverts jusqu’à très tard.

«Il faut tout vendre, me dit Mustapha le rechappeur de pneus le reste des 350 jours de l’année ; après l’Aïd tout s’arrête pendant une semaine».

Jamal Amiar
MEDIAS 24

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